Il y avait de ces personnes qu’on avait envie de ne pas aimer. Elles cumulaient à elles seules tous les traits rageants et énervants qu’on pouvait compter. Presque tout en elles symbolisaient tout ce qui était grisant et stressant. Souvent, Icarus se sentait tendu au contact de ces ne dites personnes. Il faisait tout pour ne pas les croiser et déléguer ses devoirs pour ne pas ajouter à sa charge de stress. Mais des fois, ces personnes qui devraient énerver et exaspérer le capitaine au plus haut point, se révélaient trouver un moyen d’adoucir l’opinion du Katherion. Senan était l’un de ceux-là. Souvent imprévisible, trop tête brulée et potentiellement trop fier, il arrivait pourtant à dérider le capitaine. Et cela même sans son talent pour le pilotage. Il était en effet vrai que Senan savait bien piloter l’Orono Bastra et que ses années passées dans la cabine de commande en faisait quelqu’un d’assurément doué et fiable… Mais pas tout dans sa vie se révélait fiable et c’était pour cette raison qu’il avait été absent ces derniers temps. Il avait été en taule, une histoire de bagarre ou un truc du genre. Icarus avait tellement été énervé quand il l’avait appris qu’il n’avait pas vraiment voulu savoir le détail. Pendant pas mal de temps, pour lui, Senan l’avait laissé tomber. Ce n’était pas la première fois qu’il se mettait dans des emmerdes jusqu’au cou. D’habitude, Icarus arrivait à négocier pour l’en sortir, il l’engueulait vertement avant qu’il n’oublie… Mais maintenant, il avait été un peu trop loin et en avait payé le prix. Pendant de longs mois, Icarus avait alimenté sa colère et avait rejeté toutes les choses qui allaient mal sur l’absence de son pilote. Après tout c’était facile. Senan n’était pas là et ça empêchait le Katherion de trop se casser la tête… Mais avec l’arrivée de Kilian, le capitaine s’était apaisé, retrouvant un semblant d’équilibre.

Le départ précipité du jedi couplé à la mort qu’il avait presque vu en fasse à cause d’Alma, il fallait dire que l’esprit d’Icarus avait un petit peu enterré Senan. Il n’était plus qu’un souvenir doux-amer d’un pilote qui lui avait causé plein de soucis tout en étant aussi quelqu’un qu’il appréciait beaucoup. Sa disparition était presque devenue habituelle dans le tumulte naturel de la vie des contrebandiers. Ainsi, quand ce matin-là il avait congédié tout l’équipage pour une journée de repos et qu’il était lui-même resté derrière pour faire un petit inventaire de la partie cuisine et réserve, il ne s’attendait pas du tout à ce que ce petit con de Senan se pointe.

Le capitaine était installé dans la salle principale, celle qui conduisait à toutes les parties du vaisseau et aussi, à l’entrée. Elle était composée d’une table basse et de fauteuils. Assit dans un de ces derniers, il remplissait une liste minutieusement et il releva à peine la tête quand il vit quelqu’un entrer. Depuis que cette jedi folle été partie et qu’elle avait un prix sur sa tête dans la Watchtower, il se sentait plus en sécurité. Bien plus qu’il ne l’avait jamais été dans sa vie à vraie dire : il n’avait jamais vraiment fréquenté d’utilisateurs de la Force dans le passé, encore moins des jedi ou sith tarés. Mais lorsqu’il entendit la voix de Senan, il se figea et releva la tête, incrédule, se demandant si son esprit ne lui jouait pas un tour particulièrement sadique. Le jeune homme lui-même sembla étonné et interrompit sa phrase qu’il avait prononcé avec sa voix enjouée d’autre fois. Comme s’ils étaient revenus au « bon vieux temps » où aucun jedi ne voulait tuer Icarus et où Senan arrivait à échapper aux emmerdes comme personne. Silencieux, Icarus le laissa terminer ses excuses comme un gosse qui avait fait une bêtise toute innocente. Sauf que… Sauf qu’ils étaient sur un équipage sérieux, sauf qu’il avait été en prison et était connu des autorités de manière plus officielle maintenant et sauf qu’il avait provoqué un sacré bordel. Icarus prit le temps de soupirer bruyamment avant de se lever. Il ne savait pas trop quoi dire à vrai dire, il n’avait pas vu venir un évènement comme ça, le fait que Senan ressortirait et reviendrait lui été totalement sorti de la tête.

« C’était comment la prison de Coruscant ? » Pour être sincère, Icarus n’y avait jamais été. Peut-être son statut ou alors le fait qu’il faisait attention avant de se lancer dans une bagarre… Ou le fait qu’il ne se battait pas souvent. « Tu arrives au bon moment. Mon pilote vient juste de devoir partir… » finit-il par dire, jetant un coup d’œil à sa liste avant de la laissait tomber sur la table basse. « Je peux te donner une période d’essai… On sait tous les deux que c’est pas ta première fois, et je ne voudrais pas que le reste de l’équipage pense que je fais du favoritisme… » Même si Icarus pensait sincèrement que Senan pouvait se faire pardonner facilement par tout le monde. Son air sympathique, sa manière d’être qui faisait toujours oublier la dernière connerie… Mais le capitaine devait aussi savoir repousser ses affinités émotionnelles pour se concentrer sur le côté pratique.

Il en avait vu passer des fouteurs de merde, Icarus. Il y en avait de plein de types différents mais on pouvait les catégoriser en deux groupes bien distincts : ceux qui cherchaient la merde comme un poivrot chercherait une bouteille d’alcool. Ils faisaient leur beurre sur les bêtises et les manquements qu’ils faisaient et se délectaient du résultat. Souvent, ils en tiraient un bénéfice, moral ou pécunier, ou les deux. Les seconds avaient le don d’attirer les ennuis comme pas deux. Ils se retrouvaient au milieu de tonnes d’histoires pas nettes et si on regardait de plus près, on pouvait voir qu’ils n’avaient pas fait grand-chose pour le mériter. Même si Senan avait sa part de responsabilité, il tombait souvent dans la deuxième catégorie. Une bêtise insignifiante entrainant des conséquences bien plus grosses que lui et il se retrouvait perdu. Jamais Icarus n’avait senti une quelconque malveillance chez lui et c’est ce qui lui faisait penser que le pilote allait changer et pouvait s’améliorer de ce côté. Il n’était un mauvais gars et ça, mine de rien, c’était rare. Icarus lui-même n’oserait pas se définir comme un bon gars s’il était franc. Il était motivé par l’argent et avait accepté certains contrats vraiment limites par le passé.

Le jeune homme ne s’étendit pas trop sur la prison. Icarus imaginait bien que cela n’avait pas été très agréable. Il lui dit, sans pour autant se montrer trop protecteur « S’il y a quelqu’un en particulier qui t’en as fait bavé, tu me dis et je vois ce que je peux faire… » Entre ses liens dans la contrebande et les liens de sa femme dans les gangs, il pouvait être facile de traquer quelqu’un. Et faire passer le message que l’équipage d’Icarus était clairement hors limite serait toujours quelque chose de gagné quoi qu’il arrive dans le futur.

Le jeune homme accueillit la nouvelle avec beaucoup de joie et proposa même de gagner la moitié de sa solde au début, le temps qu’il fasse ses preuves. Icarus haussa les sourcils. « Ha ben écoutes, quand on me propose de payer moins… D’ailleurs, personne n’a dormi dans ton lit dans le dortoir. Je sais pas si tu y as laissé des puces de lit pour les tenir éloigné ou quoi… Mais tu peux encore l’utiliser si tu as besoin de temps pour retomber sur tes pieds. » Le jeune homme n’avait jamais eu de vrai pied-à-terre à part ce vaisseau avant son incarcération de ce que Icarus se souvenait. Il trouvait le jeune homme dans son vaisseau à des heures aléatoire et au bout d’un moment, c’était devenu normal.

Quand Senan lui demanda des nouvelles et son opinion sr la résistance, Icarus ne sut pas vraiment quoi répondre. Il n’allait pas commencer par lui dire que des jedi avaient bossé pour lui, mais ce n’était pas l’envie qui lui manquait. En connaissant l’animal, le pilote ne le croirait certainement pas. « Hm… On va dire qu’il s’est passé pas mal de choses. Une garde que j’avais employé précédemment comme main à tout faire a disparu en plein milieu d’une livraison et a voulu m’assassiner quand elle a entendu qu’elle était virée… » Il ne mentionna pas, bien évidemment, le sabre laser et l’arrivée de son pilote. « Et quant à la résistance, on leur fourni de plus en plus d’armes, donc j’imagine qu’il sont aussi sérieux que la dernière fois. A mon avis ça va bientôt péter alors espérons que l’on sera prêt. Ou du moins, pas pris entre les lignes de tir. » Ce qui n’était jamais facile entant que contrebandier.

S’il était vrai que le capitaine de l’Orono Bastra portait le pilote dans son coeur et que, pour cette raison, il était certainement plus compatissant et sympathique à son égard, une autre raison qui pouvait expliquer sa bienveillance était la raison de l’absence de Senan. Il était à peu près sûr qu’il n’avait pas été chez la concurrence et qu’il n’allait pas lui ramener de problèmes embêtants et impossibles à gérer. A contrario de certains employés qui avaient disparus du jour au lendemain, sans donner de nouvelles et qui étaient revenus d’une manière aussi soudaine, pour ensuite ne pas pouvoir expliquer leur absence ou pire, mentir. Ce dernier cas de figure, Icarus ne l’aimait pas. Il n’aimait pas ignorer à quoi s’attendre. Il voulait des réponses claires et il aimait les certitudes. La présence de Senan en prison l’éloignait d’un bon nombre de bêtises qu’il pourrait et surtout, garantissaient sa présence à un endroit. Icarus aurait aussi pu vérifier la date de sortie de son pilote et il était sûr qu’il l’avait su à un moment… Mais avec tout ce qui s’était passé entre temps, cela lui était totalement sorti de la tête. Et puis il était prévisible que le jeune homme reviendrait dans le coin dès qu’il serait sorti de prison. Certains membres d’équipages ne pouvaient pas quitter leur vaisseau habituel. Il y avait certains qui tournaient et allaient dans plusieurs équipages en l’espace d’une année. Et puis il y avait les autres qui faisaient les équipes les plus loyales. Icarus devait souvent s’appuyer sur du personnel temporaire mais il avait aussi derrière lui assez de personnes de confiance juste au cas où.

En tout cas le jeune homme refusa l’offre du capitaine de s’occuper. Icarus n’insista pas. Déjà, ce n’était pas son genre d’insister et ensuite car le pilote était assez grand pour se charger de ça lui-même ou savoir quand demander de l’aide. En parlant de la résistance et du vent de rébellion qui recommençait à gronder un peu partout, le pilote répondit que finalement, ils n’auraient qu’à à faire comme d’habitude et se faufiler entre tout ça. Le jeune homme se rappela de ses années dans la résistance avant de finir par dire qu’il pensait que tout cela serait finit. Icarus sourit devant la naïveté du jeune homme. « Je doute que ça se règle. Et je doute que ce soit comme la dernière fois. J’ai entendu que des jedi et des sith avaient été vus au District 1313. Cette situation me semble bien plus explosive et imprévisible que la guerre qui l’a précédé. Il va falloir être prudent avec les alliés qu’on se fait… » Même la résistance. Avec leurs relations fragiles avec la Nouvelle République, il ne serait pas étonnant qu’ils finissent tous aussi affaiblis que l’Empire.

« Bon pour le garde. C’est pas la première fois qu’on attire des tarés sur ce vaisseau… Mais oui, j’ai bien failli y passer cette fois-là… » Et pas de n’importe quelle façon… Tué par un sabre laser, ça aurait au moins eu le mérite d’être original. « Mais comme tu l’as dit, c’est passé tout ça. Par contre, on ne décolle pas avant trois jours. Cette pauvre vieille charrette a besoin de quelques réparations et recalibrages. C’est qu’elle commence à se faire vieille finalement. » Il ne prévoyait pas d’en changer, mais peut être de remplacer certaines parties qui tombaient en ruine et auxquelles il devenait difficile de trouver des remplacements sans aller voir dans des vieilles ferrailles. « D’ailleurs… Maintenant que j’ai un pilote. Va falloir que tu aides pour les recalibrages. Je veux pas que tu te retrouves gêné par les nouveaux équipements et les derniers changements. » De la différence du poids jusqu’aux câblages qui changeaient, tout pouvait changer l’équilibre d’un vaisseau et embrouiller un pilote.

Les réparations sur un vaisseau aussi vieux pouvaient se révéler difficile si on n’avait pas de bons mécaniciens et un pilote peut soigneux. Icarus avait quelques fois songer à changer de vaisseaux totalement mais il était trop attaché à ce souvenir paternel. En prenant soin et en le réparant, en le tenant en bon état, il avait l’impression de faire subsister le souvenir du grand contrebandier. Chaque vol avec l’Orono Bastra était un voyage de plus pour se rapprocher du niveau que le vieux Katherion avait instauré. Il était vrai qu’il avait connu des périodes autrement plus troublées et plus compliquées mais lui ne semblait pas avoir beaucoup de tragédies familiales de son temps… Quelques enfants récalcitrants peut être. Icarus vivait ses propres épreuves, notamment par rapport à son équipage. Mais ces problèmes humains ne se réglaient pas aussi vite et efficacement que les simples câbles d’alimentation. Icarus n’était pas toujours très avenant et il lui arrivait d’éviter certains contacts humains mais c’était surtout parce qu’il n’aimait pas ne pas savoir où les choses allaient. Possiblement parce que sa vie privée ne tenait pas debout… En tout cas, un ancien pilier qui l’avait bien aidé dans le passé venait de revenir et il se sentait un peu plus chez lui dans ce vaisseau maintenant. Le visage de Senan le ramenait légèrement à une période moins compliquée que celle-ci.

D’ailleurs le jeune homme annonça bien vouloir aider pour les réparations à faire et que, d’ailleurs, certains réglages devraient être revu à cause de l’ancien pilote. « Il aimait bien que les manettes du vaisseau soient très sensibles… Ensuite, j’avoue que je n’ai pas tout vérifier quand il trafiquait les réglages. Je lui faisais pas mal confiance. D’ailleurs, tu peux aussi faire comme tu le sens. » Icarus fit une légère pause avant de regarder tout autour.

« Il faut changer les trains d’atterrissage, certains câbles, surtout au niveau du moteur auxiliaire et du drainage. Ensuite, c’est surtout les parois extérieures de certains endroits qui sont prêtes à se détacher. Il y a certainement d’autres choses à changer, mais tout ça, c’est le plus urgent. Libre à toi de remplacer certaines pièces si tu en as de plus performantes dans ton hangar. » Le jeune homme retapait un A-Wing et même s’il avait souvent peiné à en faire quoi que ce soit, il avait toujours persévéré. Il aurait potentiellement été moins couteux de demander à un professionnel de jeter un coup d’œil et de le réparer… Mais il y avait des choses bien plus satisfaisantes quand on les faisait soi-même, sans compter l’effet thérapeutique de certaines entreprises comme celle-ci. Icarus finit par se lever et regarder le couloir menant à la cabine de pilotage. « Je sais pas si tu dois être quelque part aujourd’hui, mais tu peux déjà jeter un coup d’œil aux derniers changements dans la cabine… » Mieux valait le faire le plus tôt possible histoire de tacler les problèmes avant leur prochaine livraison. Il ne devait pas y avoir beaucoup de gros changements mais quelques fois, les problèmes résidaient dans les détails que l’on pensait insignifiant au premier coup d’œil.

Icarus se sentait un peu plus rassuré. Comme si le petit vestige du passé que représentait Senan stabiliserait sa situation actuelle. Pourtant, le jeune homme n’était pas connu pour son sérieux et son professionnalisme… Bien que la définition de professionnalisme puisse être déformée à souhait dans le métier. Il aurait pu préférer quelqu’un qui présentait un sérieux infinis, qui ne se fendait jamais d’un sourire ou d’une blague… A la fin, les critères du capitaine pour recruter un pilote était sa capacité de piloter, de s’adapter et de les sortir de situations délicates et aussi… Leur loyauté. Parmi tous les critères envisagés, celui-ci était très haut dans toute sa liste. Et il était prêt à passer sur les travers de Senan si cela voulait dire qu’il resterait à ses côtés dans les pires situations. Mais la difficulté principale, dans ces cas-là, c’était qu’on ne pouvait jamais vraiment être sûr de ce qui se passerait. Qui allait rester, qui allait tourner son dos au capitaine, qui ne résisterait plus à l’appel de l’argent… Senan, pour le coup, même entant que Contrebandier, il ne pouvait pas le voir en cupide sans-cœur qui le trahirait pour quelques centaines de crédits. Tant mieux.

En tout cas le jeune homme se montra assez enthousiaste à l’idée de participer aux réparations du vaisseau et de remettre les réglages comme il le voulait. Il faudrait d’ailleurs qu’Icarus organise un petit repas général avec tous les membres d’équipages pour l’accueillir dans le vaisseau. Ce serait l’occasion de se réunir pour autre chose que le travail. Ces temps-ci, avec la Résistance et l’Empire, ils avaient beaucoup de commandes et beaucoup de transferts à faire. Et surtout, les vieilles puissances comme les Hutt se réveillaient après la guerre en voyant une occasion de refaire de l’argent en grande quantité. Plus que les affrontements ouverts, les tensions militaires et politiques généraient une volonté de s’armer de manière incontrôlable. On prévoyait tous les pires cas dans les réunions stratégiques, on préférait surestimer que sous-estimer, tout cas ou… De plus, sans batailles ouvertes, les livraisons étaient plus tranquilles, moins risquées et les loyautés étaient plus facilement changées à coup de crédits. Les périodes de calme permettaient aussi aux organisations de contrebande de réfléchir et de comploter. A force de trop s’ennuyer, certains finissaient avec les yeux plus gros que le ventre… Les radars de la mère Katherion ne semblaient jamais baisser mais on n’était jamais à l’abri d’une attaque surprise. Surtout quand toute l’attention de la Galaxie était tournée vers la Nouvelle République et l’Empire.

Icarus répondit « Demande au responsable du hangar ce que j’ai enregistré dans la liste des réparations et on verra. Je pense que cette fois-ci je ne vais pas pouvoir éviter le remplacement de certaines parties. Bon, je dois retourner à notre prochaine commande… Fais comme chez toi… » Alors que Senan s’éloignait vers le cockpit. Non pas que le jeune homme n’avait jamais fait ainsi… Icarus attrapa sa tablette et sortit du vaisseau. Il héla un simple mécanicien et lui donna une liste à envoyer à sa sœur et sa mère pour préparer la livraison.