Il rêvait, et depuis quelques temps ses nuits devenaient énigmes. Parfois, il lui semblait entendre le bruit de la pluie lorsque son cerveau à moitié conscient lui rappelait qu'il se trouvait sur l'Egide pourtant, non sur une quelconque planète. Alors d'où venait la pluie, d'où venait cette odeur d'océan, ? Et dans son rêve, une fenêtre fermée, mais rêvait-il vraiment ?
Il y avait un parfum de mort aussi, celle qui n'était pas venue, elle murmurait son nom ainsi qu'une reine appellerait un guerrier déchu. Elle murmurait son nom et lui ne la craignait pas. Quelque chose avait changé, pour peu que l'on admette que le rêve devenait réalité. Il sentait le poids des vies couler en lui, avec les injustices et les déshonneurs, avec les joies et les grâce aussi. A cela, nul équilibre, ce qui était sauvé une fois ne pouvait le rester, ce qui était tué devenait oublié.  Que portait-il alors véritablement ?
Un manteau de mensonges, une couronne de murmures, lorsque roi il n'était pas.Dans son rêve, sa gorge était sèche, les mots qu'il avait à dire, il ne les prononçait pas, car qui écouterait ?

Qui suis-je, incohérence ou inconséquence ?

Une image le hantait, s'accrochant à lui, lui déchirant la peau, l'écorchant. Les premières nuits, il avait hurlé. C'était la garde d'un sabre que venait recouvrir la boue, le sang. Ce sabre, une main aurait dû le tenir, le brandir, mais il était à terre. Pourtant, nul cadavre à côté. Seth savait pourquoi : ce sabre, c'était le sien. Il avait honte bien sûr, se séparer de son arme ainsi... Il avait honte mais était-ce étonnant ? Les Ténèbres se riaient de lui.

Alors, en sueur, il s'éveillait, allumait la lumière chiche de sa chambre pour faire face aux ombres, au silence. La fin du rêve, l'homme ne souhaitait la voir, et cela était ainsi depuis presque une semaine à présent.
Sur l'Egide, il effectuait les quelques tâches qu'on lui confiait parfois, mais il y avait d'autres personnes bien sûr, plus aptes, plus qualifiées. Seth les regardait bouger, se mouvoir, étrangères à la douleur des corps au delà de la fatigue ou des courbatures du combat. Il les enviait bien sûr, triste, condamné surtout d'une faute qu'il ne comprenait pas. La différence. Ce qu'on lui demandait était lourd à son corps inutile, et toute fatigue se devait d'être cachée, sinon elle devenait faiblesse. Chaque instant était un combat, non pas un apprentissage comme ceux de très jeunes enfants apprenant un corps qui serait leur pour une vie entière, car il savait, bien sûr qu'il savait, mais sans ces trop grands efforts de volonté, son corps ne pouvait obéir. Paresseux, avait-on murmurer un jour à son oreille, il ne se souvenait plus de la voix, juste du mot, et l'était-il vraiment ? Non, bien sûr que non, car chaque effort lui demandait bien deux fois plus que quiconque. Il ne voulait baisser les bras, hors comment estimer sa propre valeur lorsque son corps s'accordait à une échelle par trop étrange cependant ?

Qui suis-je?

Un sabre dans la boue, des mains vides, et les mots qui résonnaient en lui parfois. Quelque chose n'allait pas, quelque chose qui liait ses cauchemars aux insultes passées, mais Seth ne comprenait pas, pas encore. Il lui fallait méditer, trouver assez de calme et d'équilibre en lui pour que ses yeux puissent voir au delà de l'angle mort de sa conscience, là où tout homme, toute femme craint pourtant d'aller. Car une bête habitait chaque esprit, car une bête attendait d'être lâché, et Seth craignait alors de se dévorer lui-même.

Je suis ce que mon âme verra, de lumières et de ténèbres, à ces ombres je donnerai un nom et ce nom sera le mien car mes yeux devront s'ouvrir alors. Aveugle, je ne serai plus...

MENSONGES.

Le mot lui éclata dans la tête, coupant tout de son souffle jusqu'à quelques battements de cœur. Mensonges, oui, mensonges les mots et les insultes pour définir ce qu'il n'était pas. Mensonges aussi, le sabre dans la boue, et le poids fantôme à sa ceinture devenait vérité : jamais son arme il n'avait lâché.

Il ouvrit les yeux, le corps tendu ainsi que la corde de quelque antique arc, le cœur au bord des lèvres surtout. Mais aucune larme ne coula, pas lorsque le jeu des émotions était danger. Lentement, rêveur désormais éveillé, Seth sortit de sa méditation.

Il n'y avait plus de cendres désormais, la tempête de ses souvenirs était calme, apaisée. De paix pour Yavin il ne pouvait exister, mais le traumatisme s'ouvrait alors : il comprenait. Parce qu'il n'y avait rien eu à faire simplement, rien face à la mort, la destruction, et que son esprit brisé avait préféré imaginer quelque lâcheté alors plutôt que d'accepter l'horreur d'une chose sans logique,  qu'aucun homme, aucune femme,ne devrait être en mesure de faire pourtant. Mais l'impensable était devenu réalité, alors s'imaginer lâche, s'imaginer couard, porter des péchés qui n'étaient pas les siens....cela permettait de donner une logique à l'innommable, de dire oui, ainsi ont été les choses et si cette abomination a eu lieu c'est que quelques uns de mes actes et maladresses y ont peut être aidé.
Non, non jamais. Comme d'autres il avait fui, car cela était la seule chose à faire, et aucun tribunal ne l'avait condamné, certaines choses dans la galaxie se paraît d'horreurs plutôt que de logique. Il ne pourrait y avoir de Justice, il ne pourrait y avoir d'équilibre, non l'équilibre des mondes n'existaient pas, ne devait être alors que l'équilibre intérieur. Cela n'expliquerait pas plus pour autant de la lumière ou des ténèbres, des raisons de se battre, des cœurs malades, des cœurs mauvais, des différences aussi, et la Chute resterait ce gouffre à leurs pieds....
Mais qu'importe.

Je suis l'homme debout...

Lorsque Kilian l'avait sauvé, Seth portait encore son arme, incapable de s'en servir pourtant car rien ne pouvait dire alors la nature même de leurs ennemis. Il n'y avait que les cadavres, les cadavres de leurs frères, de leurs sœurs. Le sabre dans la boue, un mensonge, un mensonge auquel il ne croyait plus, et quelque chose chanta en son cœur alors, hymne funéraire pour ceux qui ne devaient être oubliés.

Cette nuit là, il rêva à nouveau, il rêva la pluie et l'océan, il rêva de la peur qui s'écartait enfin, ne laissant exister plus que Lui désormais. Et, lorsqu'il s'éveilla, il était prêt. Lui qui ne demandait jamais rien d'habitude, humble, discret, il demanda un pilote, un vaisseau. On le lui accorda, alors même qu'il abandonnait son blaster et ses couteaux et que sans rien, il partit alors.

Une planète, une planète qu'il ne nomma pas. Là où Kilian l'avait emmené, où une femme à l'âme de pierre et au cœur de serpent l'avait recueilli, où il avait déposé un secret surtout. Un secret dont il ne devait pas avoir honte, car rien de ses actes ou de ses mots n'aurait changé quoi que ce soit lors du massacre. Son incapacité à offrir un quelconque rempart contre les Ténèbres, comme n'importe lesquelles des personnes présentes ce jour là, n'avait pas à être traduit en lâcheté.

Dans la cache que Kilian lui avait aidé à trouver -et quoi de mieux qu'un contrebandier pour vous apprendre les lieu les plus sûrs?- il récupéra la boîte. Kilian non plus n'était plus là, et d'autres mouraient encore, lui aussi peut être. Il comprit alors que l'océan de son rêve n'était rien d'autre que son propre chagrin, allant et venant au rythme des marées du temps. Un chagrin qu'il fallait écouter parfois, comme le chant des vagues par delà une fenêtre fermée....
Il ouvrit la boîte et oui, le sabre était là, nulle boue pour le salir, animal féroce lui aussi attendant la voix de son maître, attendant la main caressante. Il s'en saisit, et son corps douloureux eu comme un élan alors, car ce sabre était le sien de droit, car il avait apprit par sa propre souffrance à le brandir, à le manier. On pouvait l'appeler paresseux, lâche, maître ou chevalier, on pouvait l'appeler faute, traître ou assassin, cela n'avait aucune importance.

De ses propres mensonges, Seth avait fait la paix.

Lorsqu'il regagna le vaisseau, il y eut la pluie. Alors, les yeux mi clos, l'homme renversa la tête en arrière, s'offrant à ce baptême, acceptant le fardeau et la tristesse d'un deux fois né.

Le Dormeur s'était Eveillé....