hybram & agheera

(codage by anaëlle)

Il est tard. Agheera avait travaillé toute la journée d’arrache-pied sur un cargo que la résistance possédait depuis peu. Il était amoché, mais elle avait bon espoir de le remettre sur pied d’ici quelques jours. BB-2 était resté dans le hangar pour ranger après elle -et lui-, toujours très à cheval sur le rangement. C’était un trait de personnalité qu’il s’était développé seul, sans même l’aide d’Agheera. Et c’était également un des rares traits de personnalité dont elle était pleinement satisfaite. Les unités deux b étaient connues pour ne pas être facile à vivre, c’était pour cette raison même que leur production avait été stoppée rapidement : leur personnalité était trop évolutive, pas assez cadrée. Il fallait s’attendre à tout venant d’un droïde de cette classe là.

Toute la journée, Agheera s’était sentie mal. Comme une impression que quelque chose n’allait pas. Elle s’était persuadée, à force de réfléchir, que cela était dû à sa nuit agitée. Elle avait encore fait ce cauchemar, celui qui ne cessait de se répéter de nuits en nuits depuis qu’elle avait rejoint la résistance trois semaines plus tôt. Un drôle de rêve dans lequel elle voyait plusieurs personnes brusquement se retourner contre les leurs, contre la résistance. Et parmi ces personnes : Hybram Rawne. Ses yeux perçants plantés dans les siens. Il se fige tout à coup, se retourne dévoilant son visage et accourt vers elle. C’est toujours à ce moment là qu’elle se réveille, en nage.

Agheera n’en avait parlé à personne. Parce que c’était gênant d’abord, d’être hantée par une personne connue sur la base. Par quelqu’un d’important. De rêver d’une connaissance. Parce que c’était grave, de supposer qu’une personne de son grade puisse être un traitre. Mais aussi parce qu’elle avait le sentiment profond que personne ne comprendrait, et qu’on la prendrait pour une folle. Parce qu’elle-même commençait à avoir des doutes. Depuis qu’elle était arrivée sur D’qar, elle se sentait changer. Plus alerte, peut-être. Paranoïaque, surement. Elle se sentait observée, épiée. Plusieurs fois, elle avait senti le regard de quelqu’un avant même qu’il n’entre dans la même pièce qu’elle. Et ça l’angoissait. L’effrayait.

Aujourd’hui encore, elle avait traversé la journée marquée au fer rouge. Sous le regard brûlant de quelqu’un qu’elle ne voyait, sous l’observation intense de quelque chose dont elle ne trouvait pas l’origine. Mal aisée, anxieuse. Elle avait passé la journée à tenter en vain de remettre son angoisse à plus tard, en vain. Elle était toujours là, la déconcentrant dans son travail. Cette sensation singulière, écoeurante, que quelque chose allait se passer. Qu’une ombre s’était posée sur la base et la tenait entre ses mains sombres et déchirées. Agheera essayait tant bien que mal de se rassurer, de se dire que tout ça ne venait que de son imagination. Mais ça ne marchait pas. Son coeur restait serré. Ses sens en alerte. Sa tête pleine de possibles dangers.

BB-2 donc occupé à ranger ses outils, Agheera se dirigeait vers les salles de rafraichissement, prête à effacer tous les effets d’une dure journée de travail par une douche brûlante. Elle longeait les couloirs, la tête ailleurs, encore plongée dans ses pensées troublées par sa journée sous le signe de l’ombre.

C’est à ce moment qu’elle retrouva la même sensation de danger qui émanait de ses nuits agitées par son cauchemar.

Elle se stoppa net dans ses pas, la tête relevée, les membres tendus. Elle déglutit avec difficulté, regrettant la présence de son ami droïde à ses côtés. Plus elle avançait, plus elle avait l’impression que son instinct lui hurlait de faire demi-tour. Mais elle ne l’écoutait pas, curieuse. Elle voulait se confronter à ce qui se cachait au détour du couloir sombre et silencieux. Comme si cela l’aiderait à mieux dormir ce soir, affronter ses démons. Et cette angoisse qui la prenait aux tripes en était un. Alors elle avançait, les yeux plissés, les sens aux aguets. Son bâton pendait à son épaule, prêt à l’emploi. Son blaster était attaché à sa ceinture dans son dos, prêt à l’emploi.

Juste au cas où.

Puis elle tourna brusquement à gauche, tombant nez à nez avec le même soldat qui hantait ses nuits.

« Hybram… » souffla-t-elle, finalement peu surprise.

Le vaisseau tremble alors que nous entrons dans l'atmosphère. La vieille canonnière corellienne arrive lentement à bon port, après un voyage dans l'hyperespace qui n'aura que trop duré. Je suis couché sur ma banquette, alors que l'équipage et les passagers se mêlent les uns aux autres dans le reste du vaisseau. Je regarde le plafond, torse nu, juste vêtu d'un pantalon de treillis. Mains croisées derrière la tête. Je regarde le plafond. D'Qar. Nous ne tarderons plus à nous poser, une fois que les navigateurs de bord auront obtenu leurs autorisations d'attérir sur la planète, centre névralgique de la Résistance. Je repense à beaucoup de choses, en attendant ce moment. Plongé dans le passé, même si je n'ai jamais la moindre aide sur ce sujet. Un homme dans ma situation ne peut bien évidemment conserver aucun holo, aucune capture, aucune vidéo ni aucun support d'aucune sorte. Je repense à beaucoup de choses, des choses que j'ai aimées, jadis, des choses qui comptaient pour moi. J'avais laissé la section entre de bonnes mains sur Coruscant pendant ce trajet. Je devais me battre avec le haut commandement pour l'attribution de moyens supplémentaires à mon groupe de combat, de matériels plus efficaces et si possible, d'une ligne d'action beaucoup plus claire. Nous n'avions pas des règles d'engagement très précises et nous nous bornions à maintenir les patrouilles impériales dans l'étau resserré d'engagements brefs et intenses, mais dénués de portée stratégique.


Nous nous posions, finalement, dans une des larges clairières de la planète. Je descendais en silence alors que le groupe expédié se dispersait en riant, en parlant, balluchon sur l'épaule, tous leurs effets personnels dans un seul et même sac. Je regardais un instant les environs, le ciel, avec l'impression d'être un naufragé abandonné en plein milieu de la galaxie. Ou plutôt, dans ses franges les plus excentrées. Moi, je suis venu sans rien. Un simple sac à dos avec des vêtements de rechange pour le trajet, mais je ne venais faire mon rapport et quémander du renfort logistique que pour la journée, normalement. Je prendrais le prochain départ pour le noyau. Je sens une gêne inexplicable en arrivant sur la planète. Comme si la vérité était mise à nue, que j'étais repéré, qu'on attendait de me jeter en taule ou de m'abattre. Je m'exécutais pourtant. J'attendis un moment pour avoir accès au Général Riekan, où je lui exposais mes soucis logistiques. Guère d'espoir de ce côté là, et je ne parvins pas à avoir non plus d'entrevue avec la Générale Organa. Que j'avais trahie, jadis. Cette femme-là, oui. Je finis par sortir du poste de commandement principal, de me griller une barette de Lho en regardant les étoiles qui déjà, pointaient le bout de leur nez. Je ne me lassais pas de regarder le ciel, où que j'aille. Différent à chaque fois. Jamais le même. Je termine ma clope et me retourne. Pour tomber nez à nez avec une jeune femme qui me dévisage et souffle mon prénom. Visiblement perturbée, surprise.


Je ne la reconnais pas. J'ai une très bonne mémoire des visages, pourtant. Des noms aussi. Ca va avec le métier que j'occupais depuis plus de vingt ans. Mais là, rien. Pourtant, j'ai le sentiment de la connaître. Quelque part. D'où ?


| Tu me connais, petite ? Et qui tu es, toi? |


Je n'étais jamais qu'un ours mal léché, dans la Résistance, et ce rôle était devenu rapidement comme une seconde peau.

hybram & agheera

(codage by anaëlle)

Elle avait le souffle coupé, les sens aux aguets. Les muscles tendus. Et pourtant même si son corps était lui prêt à une altercation, même si elle savait au fond qu’il ne lui ferait rien, elle était complètement déboussolée. Soufflée par cette apparition qui semblait irréelle mais qui lourant était bien là : elle sentait son souffle. Si près. Agheera savait qu’au fond, il ne lui ferait rien. Avoir peur de lui, de ce qu’elle avait vu dans ses cauchemars était complètement stupide. Ce n’était que des cauchemars. Des rêves, des nuages de fumée qu’elle pouvait envoyer balader d’un geste de la main. Mais qui revenaient toutes les nuits la hanter depuis des semaines. Depuis qu’elle avait croisé la photo de cet homme dans des documents de la résistance. Elle le dévisagea encore, muette. Inconsciente de l’effet que son regard, sourcils froncés, pouvait avoir sur le soldat.

Tu me connais, petite ? Et qui tu es, toi?

C’était la première fois qu’elle entendait sa voix. Rauque, sombre. À l’image de l’homme qu’il dégageait surement en étant totalement conscient de l’impression qu’il donnait. Froid, cruel peut-être également. Ou était-ce seulement l’image qu’elle se faisait de lui après tant de nuits tenue éveillée par la peur de le voir surgir à travers la porte de ses quartiers ? Agheera avait du mal à faire la différence entre réalité et cauchemars, elle recula d’un pas, anxieuse. Est-ce qu’elle le connaissait ? Oui. Elle savait qui il était, avait lu ce qu’elle pouvait lire sur lui après avoir autant croisé son visage la nuit. Oubliant un moment sa peur, elle s’imagina à nouveau sur Qi Lozar. Là-bas, elle ne se laissait jamais impressionnée par autrui. Question de survie, de réputation à tenir : celle d’une jeune femme qui n’avait pas peur de se battre et qu’il ne fallait pas chercher. Celle d’une jeune femme qui ne se laissait pas marcher dessus, dans la limite de la survie. Certes, elle s’obligeait parfois à subir, mais ce n’était que parce qu’elle savait, au fond, que si elle faisait le contraire on la retrouverait inerte dans le désert, becquetée par des oiseaux.

« Hybram Rawne. Lieutenant dans l’infanterie. Unité Fantômes. »

Elle avait dit ça d’une voix qui se voulait neutre mais qui transpirait ça et là l’angoisse qui la prenait tout à coup. Pourquoi avait-elle dit ça ? Elle ne connaissait pas l’homme face à elle. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il était le seul visage qu’elle reconnaissait dans ses cauchemars. Cauchemars qui se répétaient. Que Jayden semblait induire qu’ils étaient important et qu’il ne fallait pas les laisser de côté, et ce, sans même savoir leur sujet. Elle avait entendu quelques rumeurs. Un ours mal léché, quelqu’un à éviter. Un homme dur. Elle continua à le fixer droit dans les yeux, réalisant un instant seulement que lui avoir avoué ce qu’elle savait de lui pouvait attiser sa colère. Qu’allait-il faire ? Qu’était-il capable de faire ? Agheera sentit à nouveau l’angoisse monter en elle. Ça et la sensation singulière qu’elle venait de mettre le feu aux poudres. Elle en oublia même de répondre à sa seconde question, préférant rester muette et à l’affut de tout geste suspect suite à l’erreur qu’elle venait certainement de commettre. Et elle n’arrivait pas à le quitter des yeux, attirée par son regard. Défiante sans même s’en rendre compte.

Je n'ai plus l'impression depuis longtemps de me trouver dans un nid de vipères, sur D'Qar. Je n'avais pas beaucoup d'amis. Je n'en avais plus depuis des années. J'étais proche de mes hommes, mais comme un père, un chef, un prêtre parfois, jamais comme un ami. Il n'en restait pas moins que je me trouve peu à mon aise parmi les autres résistants. Je ne suis plus méfiant, plus aux aguets comme au début. Je me demandais si je me sentirais aussi peu chez moi au sein de l'Empire, sur le pont du Judicator s'il ne s'était pas détruit. Serais-je là encore entouré de gens que je connais, qui comptent d'une manière ou d'une autre... Mais pas pour autant chez moi ? Peut être. Avec le temps, j'étais plus naturel, plus dans mon rôle sur D'Qar. Je n'étais pas non plus prêt à rentrer. Pour quoi ? Je n'étais pas bien ici, mais plus j'y réfléchissais et plus je me rendais compte que je ferais une gigantesque connerie en rentrant à la maison. Il n'y avait plus de maison. Le niveau où j'avais grandi sur Coruscant avait disparu depuis bien longtemps, ma famille avec. Le Judicator avait été détruit. Les planètes et les vaisseaux où j'avais pu être en mission n'étaient plus. Les gens que je connaissais étaient presque tous morts, en dehors de quelques rares rescapés des premières heures de mon incorporation.


Je pense une seconde à Tori. Mais je ne peux rien faire d'autre que lui souhaiter une bonne vie. Ma seule famille aujourd'hui, c'était les fantômes. Cette même équipe que j'employais contre mon Empire, que j'avais construit et façonné pour en faire le meilleur outil qui soit contre lui. Ceux que je devrais trahir un jour ou l'autre pour me permettre d'atteindre mon objectif. L'horreur n'avait pas de limites. Ma duplicité non plus. Je n'avais plus le choix, aujourd'hui. La jeune femme semblait apeurée à mon approche, elle recula d'un peu. Je lisais un instinct dans son regard, un instinct qui l'avait sans doute poussée là, devant moi, le même qui lui disait maintenant de reculer. Cette fille était bizarre, et ça mettait tous mes sens en alerte. Je gardais mon calme. Je ne pouvais pas avoir été découvert ; je ne l'envisageais tout simplement pas. Elle me déclame mon identité. Je n'avais jamais fait de mystère de mon nom, de mon prénom. Mais les entendre dans sa bouche sonnait presque comme une accusation. Elle connaissait aussi mon grade et mon affectation. Et elle disait cela comme si elle l'avait toujours su. Mes sourcils sont froncés à l'extrême. Je la dévisage intensément, la sonde comme je sonde parfois des prisonniers. Je garde mon calme. Je suis officier depuis longtemps, agent des renseignements depuis bien des années.


| Oui, c'est moi. Et bien ? Tu veux un autographe? |


Les fantômes n'étaient pas si connus. Nous n'avions pas intérêt à l'être. J'avais sélectionné ses membres pour leurs spécialités, mais je les avais formés comme j'aurais formé des troupes de choc de l'Empire. Brutalité. Intrépidité. Violence. Dévouement. Aller droit devant et tout détruire sur son passage, par tous les moyens possibles et imaginables. Cette fille-là ne me disait rien qui vaille.


| Et toi, tu m'as pas répondu ? T'es mécano, on dirait bien, et mon unité en a jamais eu besoin. Quant au reste, tu me sembles un peu jeune pour que je puisse t'avoir un jour déssapée et jetée sur un lit en retour de mission. Alors ? Y'a un problème? |

hybram & agheera

(codage by anaëlle)

Il avait l’air d’un ours. Et de ses yeux perçants, elle avait l’impression qu’il pouvait la transpercer de part en part sans même avoir besoin de cligner des yeux. Clairement, il lui faisait peur. Parce qu’elle se rendait bien compte qu’elle n’avait pas à faire à un enfant de coeur et que certainement, il pouvait lui briser le poignet d’une main s’il le désirait. Alors elle restait sur ses gardes, les muscles tendus. Ils étaient secs, et elle savait qu’elle ne faisait pas le poids physiquement. Mais quelque chose lui disait que peut-être, avec un peu de chance, elle pourrait s’en sortir si jamais il se montrait violent.

Et les couloirs étaient vides.

Personne ne s’apercevrait de rien s’il s’en prenait à elle. Elle serra les mâchoires, continuant à le toiser du regard sans se rendre compte qu’une telle attitude ne lui apporterait que des ennuis. Chaque parcelle de son visage était étudiée de ses yeux. C’était lui, l’homme qui la hantait. Et pour la première fois, elle avait l’occasion de scanner son visage. La peur dans la gorge, elle respirait doucement. Trop peut-être, prenant des inspirations discrètes comme si, s’il venait à l’entendre, l’ours prendrait le dessus sur l’homme. Et Agheera se comportait comme si elle était de nouveau sur Qi Lozar, comme si elle avait à faire à un de ces salauds qui souvent, trop souvent, avaient tentés à sa vie. Et plus. Sous son regard, elle se sent minuscule. Jugée, observée. Et jamais encore elle n’avait vu d’yeux si sombres. Si malfaisants.

Oui, c'est moi. Et bien ? Tu veux un autographe ?

Elle resta silencieuse, ne sachant que répondre. Et elle se contentait de soutenir sons dur regard car baisser les yeux ce serait se rendre. Et s’il la fixait comme on fixait un ennemi, alors elle ne pouvait être celle qui rendait les armes.

Et toi, tu m'as pas répondu ? T'es mécano, on dirait bien, et mon unité en a jamais eu besoin.

Son regard s’adoucit un peu. Mais pas vraiment, il devint moins noir seulement. Parce qu’elle était étonnée soudain qu’il puisse savoir qu’elle était mécanicienne. Pourtant elle avait le profil. Mains sales, habits tachés d’huiles. Se rendant compte qu’elle perdait un peu la face, elle fronça les sourcils à nouveau. Muette. Le regard déterminé à ne pas se laisser intimider par lui. À ne pas baisser les armes. Les poings serrés, même. Et pourtant elle tremblait un peu.

Quant au reste, tu me sembles un peu jeune pour que je puisse t'avoir un jour déssapée et jetée sur un lit en retour de mission. Alors ? Y'a un problème?

Elle recula d’un pas, déstabilisée par les paroles crues d’Hybram. Et imaginer son visage à la place de ceux des salauds de Qi Lozar lui arracha un frisson. Mais elle se reprit, encore. L’air grave, l’air vaillant. Comme une épave de vaisseau en plein désert qui ne se laisse pas abattre par le sable qui le frappe, encore et encore. Grand, lugubre.

« Je suis juste une mécanicienne. » dit-elle, la voix dure.

Son instinct lui disait de partir, à présent. Parce qu’elle sentait que rester c’était risque quelque chose.

« Et il n’y a aucun problème. »

Puis elle se décala sur la gauche, prête à partir. Les poings serrés mais agités, car serrer ses doigts c’était garder le contrôle sur une peur qui la prenait à gorge, presque. Alors Agheera s’avança, prête à dépasser Hybram.

J'étais peut être devenu un peu trop sociopathe. La guerre perpétuelle de mon existence n'avait sans doute rien fait pour arranger ma psychologie toute impériale, et je me méfiais de tout le monde. Certains diraient sans aucun doute volontiers que c'était normal, logique voire même souhaitable, qu'un espion se montre prudent et méfiant à l'extrême, et le pire c'est que ce ne serait sans doute absolument pas faux. Mais d'un autre côté, ça me fermait complètement. Mon instinct me mettait en état d'alerte, sans pour autant savoir vraiment de quoi il en retournait. Est-ce que c'était à cause de la jeune fille, ou simplement un peu trop de lassitude et de fatigue qui prenaient de plus grandes proportions, en me poussant à me défier plus encore que d'habitude de mon environnement. Quoiqu'il en soit, cela me poussait à me montrer précautionneux. La jeune femme semble un peu bousculée par ma prise de parole abrupte, elle ne doit pas avoir l'habitude qu'on lui parle de cette manière. Manque de bol pour elle, elle devait être tombée sur un des mecs les plus irascibles de tout le cadran. Son silence marque le fait qu'elle a sans doute été prise à contrepied, autant par ma brusquerie que par la frontalité des questions que je ne fais pas que lui poser, mais que je lui assène carrément. Destabilisée pour de bon, la jeune femme recule d'un pas, pas forcément effrayée mais peut-être devais je y voir en tous cas la marque de son instinct de préservation.


Sa voix quant à elle ne marque aucune faiblesse, aucune pause. Elle bat en retraite mais ce n'est pas une déroute, elle a encore visiblement toute sa capacité de résistance. Elle me dit qu'elle est « juste une mécanicienne », mais maintenant mon instinct me crie que je ferais fausse route de la croire. Vingt ans d'expérience de l'espionnage, des interrogatoires et des gens, et je voyais quelque chose dans ce regard-là qu'elle me jetait qui ne me disait rien qui vaille.


| Non. On ne dirait pas que tu puisses être « juste » quelqu'un. |


je lui barre la route. Pas encore menaçant, mais ce geste n'a rien d'anodin non plus.


| Tu vas me dire tout de suite ce que tu me voulais fillette, et pourquoi tu m'as regardé comme ça. Bordel, j'ai eu l'impression que tu me regardais comme si tu me connaissais personnellement. On s'est pas déjà rencontrés? |