" Tu m'as offert un cœur qui ne t'appartenait pas... "

Il l'aimait pourtant, lui qui n'avait rien à lui offrir. Qu'importe, c'était là une souffrance de plus, et des cicatrices, Seth n'avait pas assez d'un seul corps pour toutes les porter. Il ne lui racontait rien, cela serait comme une souillure... Seul importait le présent, lorsque l'homme peinait à y appartenir un peu. Il n'était rien, une ombre, un rêve perdu. Certains pouvaient être des héros, pas lui. Il y avait des choix à faire, des chemins à prendre, et tous étaient obscurs, et tous étaient sans fin...
Le blaster à sa ceinture... Une autre arme aurait dû s'y trouver. Folies. Celles des hommes, celles des condamnés surtout. Parfois il riait, comme pour conjurer le mauvais sort.. Et la jeune femme le regardait, prête à croire encore un peu en lui. Il n'y avait qu'elle,  ses yeux noirs, son cœur sans amant, peu importe la couche qu'ils partageaient.  Il n'y avait qu'elle...

 " Suis-je maudite, de vouloir un homme qui ne peut m'aimer? "

Sa voix avait la violence d'une planète en furie, elle était tempête, elle était ouragan. Elle le portait surtout, plus forte qu'aucun homme, et le blaster était le sien, serait toujours le sien. Un cadeau, elle qui n'aurait dû en faire aucun...
Parfois il lui parlait d'un enfant, un petit garçon aux yeux sombres un peu trop maladroit peut-être, un peu trop différent. Une différence que l'on ne pouvait nommer vraiment, il était juste...pas comme les autres. Moins bon, moins mieux peut-être, pauvre gosse...  Et puis il y avait eu la fin de l'Empire, enfin la fin...un petit peu au moins ? Le gosse devenu adulte, quelqu'un pour le regarder quelqu'un pour comprendre.

Son récit s'arrêtait là généralement, et Seth ne pouvait aller plus loin.

Un gosse qui ne pouvait pas percevoir les choses comme les autres, incapable de reconnaître la droite de la gauche, incapable d'être utile. Heureusement ses parents avaient d'autres fils, lui il suffisait juste de l'oublier un petit peu.

Lui qui ne serait jamais capable de grandes choses...  

Plus brûlante qu'un soleil, la femme le ramenait à elle alors. Cela allait trop vite, cela allait trop loin malgré les prières et les abandons. Parfois, elle pleurait aussi tout contre lui. Il murmurait son nom sans que rien n'y change, leur tragédie à eux. D'autres auraient su s'aimer, d'autres auraient su s'abandonner, mais il n'y avait rien que le vide pourtant, le froid des étoiles.

Ils se mentaient, attendant la Fin, attendant à deux...

Elle disparaissait parfois, et lorsqu'elle revenait il n'y avait que la colère. Celle de tout, de vivre, de se battre, de l'aimer lui lorsqu'elle ne le devrait pas.
Même si elle l'avait aidé, même s elle l'avait sauvé comme ça, par caprice après l'avoir trouvé errant, perdu.
Incapable de dire son propre nom.

"Es-tu vraiment lui, Seth? Tu ne sembles même pas appartenir à ce nom... Tu me mens à moi, une chasseuse de primes? Je te hais... Embrasse-moi encore, embrasse-moi et fait-moi taire, je commence à deviner et ce n'est pas bon, ce n'est jamais bon..."

Deviner le secret, deviner la solitude. Car il y avait eu quelqu'un pour le regarder, quelqu'un pour lui dire d'arrêter, arrêter de trembler, de ne plus oser ce regarder, car il avait la Force, car il serait Jedi. Elle commençait à la deviner, cette histoire là, celle qu'il cachait. Celle d'un jeune homme acceptant de s'entraîner, abandonnant tout de lui par simple désir d'être quelque chose. Que la Force rattrape ces choses qu'il n'aurait du faire,  lui qui toute sa vie avait évolué non pas les yeux fermés mais les yeux crevés.

Un jedi handicapé, vraiment? Il fallait croire, alors la logique aurait voulu qu'il meurt alors. Lui plutôt que les autres, lui plutôt que les vrais héros en devenir, que les jeunes, que les enfants. Lui ayant commencé l'entraînement alors qu'un déchet, c'était tout ce qu'il était.  

Elle le devinait, elle le devinait un petit peu, elle qui lui apprenait à tirer au blaster, elle qui lui montrait comment tuer lorsque ses gestes à lui restaient imparfaits. Il ne pouvait plus utiliser la Force, il n'aurait jamais du à vrai dire. Pas lui, alors qu'il ne méritait rien. Alors il redevenait cet homme inutile, et son ombre était tristesse, et son front ne portait nulle couronne de sagesse désormais.
La Force, un rêve... seuls les jedis l'utilisaient. Il n'en était plus un, parce qu'il avait survécu. Imposteur....

Et en quelques mois, tout oublier de soi.

"Tue-moi avant que je ne le fasse...."

Elle souriait, l'idiote, la perfide. Elle souriait, belle comme jamais, l'arme levée, prête à le vendre, prête à l'abandonner. Parce qu'elle savait à présent, et que c'était de sa faute à lui, de sa faute à eux. Eux incapables de s'aimer, alors comment faire pour ne pas se trahir, hein?  Sauf qu'au blaster, il tirait mal, sauf que ses yeux ne savaient comment voir, analyser. Elle était belle, elle était forte, elle devait gagner.

Elle ne gagna pas, parce qu'il y avait ce trou dans son ventre, que l'arme était encore chaude entre ses doigts à lui. Que ce n'était pas avec les yeux qu'il avait visé, que c'était d'autres choses dont il s'était rappelé.

Survivre et tuer, parce que ce monde n'était pas fait pour les héros...

Alors au fond, peut-être que tout allait bien?

Il l'enterra sans larmes ni regrets, reprenant son coeur un peu, reprenant ce qu'il rêvait d'être. Ses clients devinrent les siens, et lui qu'on avait connu, deviné comme son protégé, commença à se faire un nom dans le métier.

Quelques moins à peine pour cela, pour pleurer les morts, oublier, se rappeler. Quelques mois, c'est tout, et il avait la Force lorsque si faible était sa foi. Il n'était rien mais existait pourtant, et peut-être qu'un jour quelqu'un le regarderait à nouveau dans les yeux pour lui montrer un tout autre chemin.

Lui, le chasseur de primes qui ne tuait pas les femmes, qui ne tuait pas les enfants. Qui abandonnait un contrait parfois, lorsque sa cible était trop fière, était trop noble. Il n'était pas un héros, mais avec son désespoir, à sa manière il les protégeait....