L'Amiral Roth, après un trajet éclair, était de retour sur Bastion. Plus le temps passait, et plus il devenait évident que la partie risquait d'être serrée. Visiblement, vue la promptitude et la virulence de son arrestation ainsi que des chefs d'accusations énoncés, il y avait deux options. La première, c'est que le Haut-Commandement avait mis la main sur des preuves absolument inattaquables d'une trahison de Roth. Le problème, c'est que ce genre de preuves n'existe tout simplement pas, sans quoi, Roth aurait déjà agi de manière  concrète. La seconde option, la plus plausible, était que quelqu'un au sein du corps des officiers supérieurs était décidé à le faire tomber en se basant sur du réel, mais du réel insuffisant pour démontrer quelque trahisons que ce soit. Il, ou ils, avaient donc du broder avec des fausses déclarations, et jouer sur la paranoïa qui guette le Haut Commandement ainsi que Pellaeon lui-même.

Une question se posait toutefois. Si les intuitions de Dex étaient fondées, alors il faudrait vérifier les objectifs du ou des délateurs. Le moins grave serait de banales ambitions carriéristes. Ce genre de méthodes se voit régulièrement chez les incapables qui souhaitent prendre du galon. Cependant cela pouvait également, et cela serait beaucoup plus problématique, être l'œuvre d'une infiltration ennemie ayant pour objectif d'affaiblir de l'intérieur la structure Impériale. Cela aussi, ça s'est déjà vue. Mais ce n'est pas encore l'heure de tirer les choses au clair. Pour l'instant, Dex doit se laver de tout soupçons et faire comprendre à Pellaeon en personne que s'il doit se méfier de quelqu'un, il ferait mieux de lorgner du côté des délateurs et des opportunistes carriéristes. Car il est bien connu que ces deux catégories se vendent au plus offrant.

Ainsi, après quelques minutes en salle isolée, l'Amiral fût conduit sur les lieux de la Cour Martiale. C'était le genre comité très restreint, ça au moins, on pouvait le saluer. Cela limitait les risques de présences d'agents ennemis infiltrés. Mais pas totalement, forcément. Une fois attaché, l'Accusateur énonça les chefs d'accusation. Dex se doutait bien qu'il en gardait en réserve, et tant mieux, parce que ces derniers étaient raisonnablement justifiables. Il termina en faisant référence aux débordements de Coruscant qui n'avaient qu'un seul objectif, à savoir de placer le lieutenant Chiss dans la position de la jeune recrue Alien et réformatrice de l'Empire avec qui l'on peut discuter. En somme, il s'agissait de préparer la relève de l'Empire. Des visages comme celui de Roth ou Pellaeon seront inspireront toujours la méfiance. Il y a cruellement besoin n de sang neuf. Mais nous ne sommes pas là pour ça.  Il était temps de répondre.

Dex avança d'un pas et, après avoir remué ses poignets attachés, fixant l'accusateur d'un regard tranquille, il déclara d'un ton calme et serein:

"J'ai bien compris les faits qui me sont reprochés, accusateur. Je ne les conteste pas tous. Je tiens à en nuancer un certain nombre, pour ne pas dire la totalité. Et j'en réfute d’autres."

Petite pause ou il promena son regard sur les Hauts Amiraux, Pellaeon sur lequel il s’attarda, puis revient sur l'Accusateur avant de clarifier:

"Afin que cette cour ne vous prennent pas trop de temps, et qu'elle permette d'éclaircir certains malentendus au plus vite, je vous demande s'il vous plait d'énoncer chaque accusation séparément avec les preuves associées,  et de me laisser y répondre, l'une après l'autre."

Dex termina avec un geste de la tête respectueux envers l’Accusateur, ainsi qu’un sourire neutre. « Une belle partie d’Echecs commençait » pensa l'Amiral.

L'amiral contempla les yeux de l'accusateur pendant l'intégralité de son parcours et de son discours, sans temps morts. Son visage quant à lui resta impassiblement poli et neutre. Visiblement, l'accusateur était là pour faire son job, sans zèle. Cependant, il espérait aussi que Roth se mette à table au plus vite, et de préférence en avouant tout. Evidemment ce serait plus facile, mais ce n'était pas aussi simple. Pour commencer, Dex avait vu juste: certaines accusations étaient clairement fantoches, mais elles côtoyaient le plus vrais, ce qui rendait la situation complexe. Cependant, l'accusateur et les juges, tout comme les trois services de renseignements, avaient interprétés sans prendre en compte une donnée vitale, à savoir, le contexte et l'ambition des manœuvres décrites.  Il fallait frapper fort et maintenant, pour préserver le bénéfice du doute accordé pour l'instant.

Roth souris légèrement, mais avec un air gêné quand il entendit que trois services différents s’étaient occupés de son cas. Il observa le sol quelques instants en se grattant la barbe puis déclara sobrement "Je vois de quoi il s'agit même si j'ai quelques réserves concernant un point précis que vous avez soulevé. Je vais si vous le voulez bien m’exprimer dans un premier temps sur les officiers Creed et Triss, ce qui sera il me semble le plus rapide."

L'Amiral siffla un verre d'eau puis reprenant le regard de l'accusateur il se mît à débiter:

"Ces deux officiers ont attirés ma curiosité personnelle de par leurs parcours et leurs origines respectives. Et j'ai été amené à considérer comme relevant de mes prérogatives d'examiner avec attention les dossiers de ces deux officiers. Je n'ai pas eu à chercher bien loin concernant le Capitaine Creed, tout ce dont j'avais besoin se trouvait dans son dossier médical qui, lui, est consultable par les officiers supérieurs dont je faisais partie. Pour le reste, il suffisait de discuter avec certains individus. Concernant le fameux dossier consulté, il n'est pas difficile de concevoir la suite: de la pure suggestion pour la pousser dans ses éventuelles retranchements défensif. Or, ces derniers étaient purement émotionnelles et carriéristes. C'est bien pourquoi je n'ai donné aucune suite à cette entrevue, comme je ne doute pas que vous avez pu le constater. Il me reviens donc de dépeindre un excellent officier qui a de l'avenir."

Légère pause et raclement de gorge, puis il reprit: "Passons au Lieutenant Sharo à présent. Un cas très intéressant. Une Chiss, embrigadée très tôt dans les rangs de l'Empire, et qui de par ses prédispositions raciales, n'est censée souffrir d'aucun risques d'hésitation face à des offres venant de l'ennemi. Cependant, c'est justement quand il n'y a aucuns risques que des incidents vitaux on tendances à se produire. Je ne donnerais pas d'exemple, nous avons vécus ce genre d'événements un peu trop souvent pour l'oublier"

Ton plus sec sur la fin, pause à nouveau, puis reprise.

"J'ai donc pris la liberté d'organiser un débriefing avec le Lieutenant à son retour de Coruscant, et j'ai, comme pour le Capitaine Creed, dérivé sur des sujets plus sensibles, tels que l'actuel mode de fonctionnement de l'Empire. Etant donné que ces deux officiers sont la quasi incarnation de l'intégrité, je n'ai pas besoin de nuancer les propos qui me sont prêtées. Je leur fait confiance pour cela. Aussi, mes réserves envolées, j'ai choisis tout simplement de transmettre un héritage à ces jeunes officiers. En effet, je me trouve du mauvais côté de la pente et mon état physique s'en ressent. C'est pourquoi notamment j'ai proposé au Lieutenant de participer à l'affaire diplomatique de Coruscant, et que je me suis pour ainsi dire limogé et décrédibilisé face à l'assemblée, afin de placer le Lieutenant dans une position nouvelle. Elle est jeune, c'est une Alien et nous sommes, malheureusement, trop connus pour notre manque de tolérance à ce sujet. Alors, avant d'être exfiltré, j'ai pu constater de ses capacités innées pour la politique. Elle deviendra, avec le bon appui, une pièce maîtresse de l'échiquier politique Impérial"

Dex s'interrompit quelques instants, le regard vague, les deux mains appuyées sur la rampe, puis il reprit sur un ton neutre mais un poil fatigué: "Pour ce qui est d'un manquement aux protocoles, je ne peux que reconnaître les faits. En revanche, ce que j'ai fait, c'est dans l’intérêt supérieur de l'Empire à long terme. Nous avons essuyés suffisamment de désertions ces derniers temps pour en tolérer de nouvelles. J'ai fait, concernant les officiers Creed et Triss, ce que j'ai jugé nécessaire. En tant que soldat, en tant qu'officier, et en tant que serviteur de l'Empire."

Dex fixa tour à tour les personnes présentes puis revint sur l'accusateur

"J’attends votre retour sur ce point avant de passer aux chefs d'accusations restants."

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Dex écouta tranquillement l'accusateur réprimer sobrement les initiatives de Roth concernant les deux officiers avec lesquelles il avait conversé. C'était tout ce qu'il y a de plus raisonnable. En revanche, concernant le dossier personnel de Creed, ils avaient visiblement fait le travail. Du moins, c'est ce que l'accusateur laissait entendre. Il ne fallait pas se vendre bêtement dans le cas où le bluff serait employé. Il semblait qu'une méthode non-conventionnelle allait devoir être employée, et cela ennuyait Roth de s'en servir si tôt. Cependant, il ne fallait pas laisser passer cette occasion de mettre sa hiérarchie face à ses contradictions. Il n'était plus utile, pour l'instant, de jouer ce rôle convenu. Il était temps de rendre les coups et pour ce faire, ce ne serait pas difficile.

L'Amiral cligna des yeux, et prit une expression un brin étonné avant de déclarer d'une voix calme et claire:

"Je voudrais être sûr de bien comprendre, Accusateur. Mon entrevue avec le Capitaine Creed remonte à plus d'un mois. La consultation de ce dossier serait donc antérieure. Dois-je comprendre que la consultation de dossiers sécurisés et sensibles seraient si aisé ? De surcroît, on est en droit de se demander, dans le cas où un piètre informaticien comme moi, connu pour ses écarts de conduite, et encore relativement bien attentionné, serait capable d'avoir accès à des informations si vitales et n'aurait à subir que plusieurs semaines plus tard une enquête approfondie ? Je me demande bien ce qu'un traître haut placé serait en mesure de faire étant donné les conditions de sécurités actuelle."

L'Amiral prit une expression du visage plus sombre, ainsi qu'un ton plus sérieux pour reprendre, ne cherchant plus à nier:

"Ma présence ici démontre une chose. Les mesures de sécurités internes sont largement inefficaces et c'est un miracle, pas moins, que nous n'ayons pas déjà subis une fuite massive d'informations cruciales au profit de la Résistance et de la Nouvelle République. A moins bien sûr que ce ne soit déjà le cas et que nous ne soyons même pas au courant, car ne rêvez pas, si nous avons des espions chez eux, ils en ont chez nous. Mais je n'ai pas l'impression que nos services de contre-espionnage soit particulièrement efficaces ces derniers temps. J'espère au moins que ce que vous nommez la potentielle trahison de l'Amiral Roth vous servira à améliorer nos protections internes et vous éviteras d'envoyer nos hommes dans un piège mortelle dès la sortie de l'hyperespace lors de la prochaine mission, que quelqu'un qui siège à quelques mètres de vous lors des conseils auras vendu au plus offrant. Ne considérez pas que parce que vous êtes remontés jusqu'à moi, vous êtes à l'abris. Je n'ai pas cherché à être discret, vous avez pu vous en rendre compte, et malgré cela, votre réaction est venue bien tardivement"

Dex cligna des yeux lentement et, le visage toujours aussi durcit, enchaîna:

"Si nous considérons que ce que j'aurais révélé au Capitaine Creed existe bel et bien, j'espère également que vous lui avez clarifiée votre position concernant le refus de sa promotion. Un refus bien ingrat quand on voit que vous confiez des postes d'Amiraux à des soldats que vous expédiez à la cours martiale quand ces derniers exposent les contradictions des protocoles de sécurité de l'Empire, et œuvrent dans l'ombre, sans pavillon pour ne pas éclabousser la Flotte, à traquer les ennemis de l'intérieur et intoxiquer des agents de l’Intelligence ennemie."

Le regard balaya les personnes présentes sans aucune crainte. Même s'il devait finir dans un pénitencier, s'il avait pu faire comprendre à Pellaeon et aux deux Haut-Amiraux présents que l'Empire courrait à la catastrophe s'il ne prenait pas de mesures radicales concernant son fonctionnement interne, ce serait des vies d'épargnées. L’intérêt principal de Roth, c'était de préserver les hommes. Toujours. Mais ça, c'était son affaire. Il fixa intensément Pellaeon, le défiant du regard, pas par provocation, uniquement pour marquer le fait qu'il pensait ce qu'il disait, que c'était de militaire à militaire. Il y avait trop de dysfonctionnements internes. S'il était encore assez pragmatique, il en tirerait des conséquences. Sinon, Roth était tout simplement bon pour la corde. Cela aurait le mérite de régler rapidement ses préoccupations.  

Son regard revint sur l'Accusateur, pour qui le regard devint un brin plus doux, car ses paroles précédentes s'adressaient plus à la crème dirigeante que lui.

"S'il n'y a pas de questions, car je n'attends guère de réponses, je souhaiterais quelques démonstrations concrètes concernant les chefs d'accusations restants afin d'en finir au plus vite."

Dex cligna une nouvelle fois des yeux. La parenthèse était terminée, mais il conserva un visage plus ferme et résigné.

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Dex écouta tranquillement l'Accusateur déblatérer. Si ce dernier lui avait dans un premier temps donné une bonne impression, c'était terminé. L'Amiral pouvait lire sans difficultés derrière le regard et la voix de l'Accusateur sa quasi jubilation ainsi que son sentiment de supériorité sans équivoques. Il était tellement persuadé que Dex faisait tout pour noyer le poisson et avouait à demi-mots sa culpabilité. Le malheureux. Il était si loin du compte. Quant à sa parole concernant le fait que selon lui personne ici ne considérait la défense de Dex comme convaincante, ça ne valait pas le coup d'être commenté. Si c'était le cas, eh bien l'Empire méritait la chute entamée. Inutile de parler de sa petite pique concernant le fait que Roth avait la parole comme il l'avait demandé, en sous-entendant que ce dernier se perdait tout simplement dans ses mensonges. Décidément tout cela était risible.

Mais d'un côté, c'était excellent. Cet homme allait bientôt chuter de sa tour d'ivoire, et il l'aurait mérité. De surcroît, son aveu de faiblesse final concernant l’ignorance du Haut-Commandement concernant l'initiative Jericho arracha un sourire amusé à Dex qui était plutôt fermé depuis quelques minutes. Merveilleux, vraiment. Il était temps d'enfoncer le clou, quel que soit le résultat final.

"Je vous remercie Accusateur, mais vos boutades concernant ma mémoire assaillit par les contradictions de mes actes seraient plutôt à utiliser sur des prisonniers de droits communs. Vous auriez plus de chances." L'Amiral envoya un sourire poli à l'Accusateur avant de reprendre "Concernant les chefs d'accusations restants, je serais bref. Les détournements de biens Impériaux dont vous m'accusez sont fantasques. J'ai profité des déplacements induits par les missions que je remplissais pour rencontrer certaines personnes. Je fais confiance aux renseignements pour retranscrire qui j'ai rencontré, et ce que nous nous sommes dits. A moins que vous ignoriez certaines de ces rencontres et ce à quoi elles ont pu aboutir bien sûr." Léger rire, toujours poli. "Concernant le fait que j'aurais détourné des officiers ou des soldats de leurs prérogatives, si ce n'est l'officier Triss que j'ai décidé de personnellement encadrer pour dévoiler son potentiel, ce qui s'est aux dernières nouvelles produit sur Coruscant, je demande des noms. Car comme vous avez pu vous en rendre compte, j'aime faire le travail moi-même. S'il y a bien une chose dont je refuse d'être accusé, c'est de déléguer le travail à mes troupes. Le laxisme, c'est l'apanage des bureaucrates. Ensuite, pouvez-vous nommer l'objectif de ses recherches ? Car il me semble qu'une recherche ne constitue pas, jusqu'à maintenant du moins, un crime. Au regard de l'ensemble de ce procès, je constate qu'en fin de compte, c'est un procès d'intention qui se tient ici. Si c'est bien le cas, autant le dire de suite. Vous aurez ainsi l'exemple dont vous avez visiblement si désespérément besoin."

Dex fixa Pellaeon et ses deux Haut-Amiraux, avec une flamme dans le regard. Puis son regard revint sur l'Accusateur et, avant qu'il n'est pu répondre, Roth, le visage souriant poliment, ajouta sur un ton protocolaire : "Eh bien, Accusateur, je dirais qu'au sein de l'Empire, certaines informations sont sujettes au cloisonnement. Si vous n'avez aucune information concernant l'Initiative Jericho, c'est que les instigateurs on décidés que vous ne deviez pas en avoir. Mais peut-être que dans le cas présent, il ne s'agissait encore une fois de plus que d'un artifice pour attirer l'attention et convaincre. Après tout, c'est bien ce que vous pensez de moi, non ? Un mégalomane qui se perd dans ses déclarations évasives ou contradictoires, le tout saupoudré d'égocentrisme."

Dex ria encore une fois de plus poliment, cligna des yeux en observant l'ensemble de ceux qui lui faisaient face, attendant tranquillement le retour de ses déclarations. Il commençait à penser que les Hauts-Amiraux n'interviendraient jamais. Il semblait que L'Accusateur ne le considère vraiment que comme un amateur. Si c'était le cas, tant mieux. En revanche, Roth redoutait que Pellaeon, qui malgré tout ce qu'on peut lui reprocher est d'une intelligence rare, ne comprenne la marque de vieilles doctrines dans ce qu'avait laissé échapper Roth concernant Jericho. Et s'il réagissait en personne, la partie deviendrait certes plus intéressante, mais aussi beaucoup plus tendue. Ce dernier détestant vraiment que quoique ce soit dans son armée ne réponde pas de lui. Le procès se dirigeait vers sa résolution, à moins que Pellaeon et les Hauts-Amiraux ne s'en mêlent. Et pour une fois, Roth ne parvenait pas à statuer de si c'était une bonne ou une mauvaise chose.